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« A Beaune on a toujours bu beaucoup de bière » : petite histoire du brassage de la bière en pays beaunois

Beaune est certes la capitale des vins de Bourgogne, mais les Beaunois ont longtemps consommé en abondance une autre boisson alcoolisée. Trois articles parus dans l’Avenir Bourguignon en août 1924, intitulés « Notes historiques sur l’usage de la bière à Beaune », et signés « un amateur de bière », nous relatent l’histoire de la bière dans notre ville. D’autres documents retrouvés dans les fonds nous font également part de la grande place prise par l’industrie de la bière à Beaune au XIXe et XXe.

Une grande tradition de brassage familial de la bière existe en pays beaunois. Le premier article de l’Avenir Bourguignon explique : « chaque feu, ou pour mieux dire chaque ménage, produisait la quantité de bière indispensable à ceux qui en faisaient partie ». Pourquoi s’atteler au brassage de la bière dans un pays profondément viticole ? Les raisons sont simples : les vignes, sont, à une époque, beaucoup moins prolifiques qu’aujourd’hui, elles occupent moins de terrain et sont régulièrement détruites pas les maladies et les guerres, dès lors le vin devient cher et n’est consommé que par une infime partie de la population. Au cours des certaines grandes famines qui ont touché le pays beaunois (notamment en 1438 et 1602), la fabrication de la bière était cependant prohibée, l’usage des céréales étant exclusivement réservée à l’élaboration de nourriture.

Pour voir arriver une vraie industrialisation de la production de bière à Beaune, il faut attendre la toute fin du XVIIIe siècle et l’arrivée des frères Welter, brasseurs d’origine alsacienne. Un document daté de l’an IX, explique en effet que les services municipaux de Beaune (qui se situent depuis 1793 dans le couvent des Ursulines) cohabitent avec plusieurs artisans : deux tonneliers, un plâtrier, un charpentier et…un brasseur. Afin d’apporter de nouveaux revenus à la commune on décide en effet en l’an VI de louer une partie de la maison commune à des artisans. Mais une lettre du maire de Beaune au ministre de l’intérieur expose que la cohabitation est difficile : « cette maison qui devait par son extérieur propre et décent annoncer sa destination, est, pour ainsi dire, un réceptacle d’immondices. Bien plus, elle court risque d’être incendiée ; le feu a déjà pris deux fois chez le brasseur. Ainsi la mairie se trouve au milieu d’ateliers bruyants et fort incommode pour les personnes qui travaillent ». La ville de Beaune lance un appel désespéré au ministre afin que les baux soient annulés. Un extrait d’une délibération du 4 septembre 1810, nous informe que les artisans sont toujours présents et que le brasseur « incommode tout le quartier et détériore singulièrement la partie qu’il occupe, elle est toute noire de fumée ».

En 1812, Pierre Welter quitte l’Hôtel de Ville et s’installe boulevard St Nicolas. En 1828 M. Pingaud lui succède. Des éléments statistiques de 1843 informent qu’à cette époque, la brasserie Pingaud produisait 1500hL de bière annuellement et qu’elle était surtout commercialisée dans l’arrondissement de Beaune et vers Autun. Il est intéressant de noter aussi que l’orge et le houblon, éléments de base de la bière, étaient également en partie cultivés à Beaune. En 1847, M. Pingaud laisse sa place à M. Bazin qui a déjà tenu un tel établissement à Til-Châtel. En 1852 la brasserie passe entre les mains d’un autre propriétaire, M. Modret. Enfin, en 1862, les frères Jules et Armand Ricaud rachètent la brasserie et en font, au moyen d’un grand nombre d’appareils perfectionnés, une grande entreprise prolifique. Jules Ricaud est une grande figure beaunoise. N’ayant pas voulu choisir entre le vin et la bière, il se trouve être aussi le président honoraire de la société vigneronne de l’arrondissement de Beaune. A sa mort, en 1895, son frère Armand hérite d’une partie des bâtiments (l’autre partie du « Clos Ricaud » ayant été donnée à la ville de Beaune). En 1898, Armand s’associe à Adolphe Heinimann. En 1903, après la mort d’Armand, c’est son fils, Pierre et son gendre Adolphe Heinimann qui en deviennent propriétaires et font prospérer la brasserie jusqu’à la Second Guerre mondiale.

Deux autres brasseries voient le jour à Beaune. Une première en 1840 (brasserie gérée par Winnen puis Kilb), aux environs du jardin anglais, même si comme nous le montre certaines réclamations présentes dans nos fonds, les brasseries incommodaient fortement les habitants (elles rejetaient leurs eaux usées dans l’aqueduc de la ville). Après la guerre de 1870, Preslier puis Thevenin reprirent l’affaire, puis les frères Perret qui ferment en 1910 l’établissement et revendent le matériel à l’entreprise Ricaud.

La seconde brasserie ne fonctionna que quelques années (de la fin de la guerre de 1870 à 1878), elle était tenue par M.M. Michel et Siredey, puis par M. Michel Gaessler qui la confia à son neveu jusqu’en 1878, date à laquelle le conseil municipal rachète l’établissement qui devient l’école maternelle St Nicolas.

Sources :

Avenir Bourguignon 1924
Série F
Série I
1 M 2

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