Articles·Bouzaize·Crimes et délits·Grands Ducs d'Occident

Les grâces de Monseigneur

Les Grands Ducs d’Occident est une série publiée dans l’Echos des Coms dans le cadre de l’exposition internationale qui s’est tenue à Beaune à l’hiver 2022. « Les grâces de Monseigneur » est l’article 2 de la série (EDC n°258). Pour les autres articles :

Les Archives beaunoises des Grands Ducs d’Occident
Les grâces de Monseigneur
Octrois et Impôts
Un Gouverneur contrarié
Les Foires de la Saint Martin
Les Grandes duchesses d’Occident
Beaune, fidèle à sa Dame


Les Grands Ducs d’Occident : les grâces de Monseigneur

Dans ce nouveau volet, nous vous faisons plonger dans les archives de la Justice de la Ville de Beaulne. Nous avons décidé cette semaine de vous laisser découvrir le passé par la simple transcription d’un texte du 16 juillet 1422. Un groupe de garçons est pris alors qu’il pêche au mauvais endroit. Se retrouvant en prison (!) pour cette affaire, l’un d’eux demande grâce au Duc Philippe le Bon. Ce dernier lui accorde par le texte que vous allez lire. Le texte est légèrement modifié pour ne pas compliquer la lecture (suppression des abréviations du XVe siècle et des termes disparus) sans pour autant dénaturer le texte (l’orthographe et la syntaxe ont été conservées).

Sans plus attendre, le texte :

Philippe duc de Bourgogne conte de Flandre Dartois et de Bourgongne palatin seigneur de Salins et de Malines à notre bailli de Dijon ou à son lieutenant, salut. Reçu avons humble supplication de Perrin, masnyer [meunier] de Belleneuve, jeune enfant de lage de dix sept ans ou environ, contenant que ung mois [il y] a ou environ, celui-ci et autres jeunes enfants de la ville de Beaune avoient peschier [pêché] a[vec] paniers en la rivière de la Bosoyse au dessus des arches de la poissonnerie et bien près des grilles de fer qui sont au dessoulz des murs de ladite ville, alendroit de ladite rivière et par lesquels l’eau entre en icelle [celle-ci] ville lesquelles grilles font cloison à ladite ville. Il peschoient avec les dits panniers des petis poissons comme verons, chassos, motalet (moutelle) et autres. Et pour ce que le fils de Jehan Demignoy, lequel étoit en la compagnie dudit suppliant vit en peschant plusieurs petit poissons qui estoient au dehors de ladite ville et au dessus desdites grilles. Jehan fils de Demigny regarda ung grant pertuis (trou) qui estoit dans ladite grilles lequel est putement ruppeilleir (rompu/élargit) et par ledit pertuis passa son panier et après y passa son corps et dist audit suppliant et aux autres jeunes enfants qui estoient avec lui que semblablement y passassent ; et [ils] sy furent, eux et leurs paniers. Et eux aussi passez, pescherent lesdits petits poissons. Et quant ils en eurent péché ce que bon leur sembla ils rentrèrent par ledit pertuis desdits grilles eux et leurs dits paniers en ladite ville non cuidant ne croyant pas en ce mesprendre (ne croyant pas avoir mal agis). Pour lequel cas ledis poure [pauvre] suppliant est detenu prisonnier es [en] prisons dicelle même ville de Beaune et [il] doubte que iustice ne lui soit rigoreuse se par nous ne lui estoit sur ce pourvu [il doute que justice ne lui soit trop dur si elle n’est pas rendu par nous (c’est-à-dire le duc)]. [Nous ayant considéré] le jeune age et l’ignorance dudit suppliant et la qualité dudit cas, vous mandons committament [demandons] s il a mestier [mérité] toute la peine, amende et offense corporelle et criminelle […]. S’il est tel que dessus pourveu quil l’amandera civilement selon sa faculté et qualité dudit cas. Car ainsi nous plaist il et voulons quil soit fait de même especialement grace donner a Saulieu le XVIe jour de juillet l’an de grace mil quatre cens vingt deux.

Pour aller plus loin

Les fameuses grilles sous les murailles dont parle le texte sont probablement sous la tour carrée qui surplombait la Bouzaize (précisément au niveau de l’escalier qui relie l’Avenue de la République à la promenade du rempart des Dames). Cette tour protégeait la ville des incursions tout en laissant passer l’eau qui entrait à ciel ouvert dans les murailles.

L’on sait par d’autres documents que la zone, tout comme une partie des fossés au pied de la muraille, abritait des casiers à poissons qui servaient à fournir le marché de Beaune. On peut conclure c’est surtout le fait d’avoir endommagé la grille qui les a conduits directement en prison. Dura lex, sed lex !

Ce seul document est insuffisant pour comprendre toute l’affaire, notre investigation pour l’Echo des Coms s’est arrêtée à la transcription imparfaite de l’arrêté ducal. En revanche, plusieurs questions, sans réponse pour le moment, se posent à nous : que faisait à Beaune un garçon de 17 ans originaire de Belleneuve (commune au nord-ouest de Dijon) ? Qui a ordonné l’arrestation et l’emprisonnement du condamné, qui est intervenu dans cette histoire, pourquoi cette clémence du duc dans une affaire de braconnage, alors que nos ancêtres du Moyen Age sont souvent intransigeants sur ce type de délits… bref ce petit parchemin est une étroite lucarne ouverture sur le passé. Nous espérons avoir convaincu quelques fins limiers de tenter de répondre à ces questions…

Mandement de Philippe le Bon duc de Bourgogne par lequel il ordonne aux magistrats de la ville de relâcher un enfant de 17 ans mis en prison, pour avoir pêché des petits poissons dans les fossés. Carton 31 cote 101, AMB.

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