
Il y a 230 ans, le 21 janvier 1793, Louis XVI est guillotiné. Cette date devient alors le marqueur des divisions de la France des décennies qui suivent la Révolution Française. Royalistes et Républicains se disputent la date et s’affrontent sur le sens à donner à cette journée.
La Fête de la Juste Punition du Roi
L’année 1793 s’ouvre donc, le 21 janvier, par la mise à mort du dernier roi de la dynastie des Capétiens et de la branche des Bourbon. L’année suivante, la « Fête de la Juste Punition du Roi » devient une célébration civique qui se déroule partout en France. Nous possédons aux Archives les comptes rendus des cérémonies pour la ville de Beaune de l’An IV à l’An VII (1796-1799).
L’ensemble des fonctionnaires et représentants de l’État ainsi que les élus sont réunis à la Maison Commune et partent en cortège à travers la ville. Selon les années ils sont précédés soit des membres de la Garde Nationale soit des bataillons en cantonnement à Beaune. Le cortège se dirige vers Notre-Dame qui est, à cette époque, devenue le Temple Décadaire. Dans le temple est célébré un office patriotique où des discours sont prononcés « respirant l’amour de la liberté, des principes républicains et la haine de la tyrannie[1] ». Ensuite les fonctionnaires doivent prêter serment et jurer « haine à la Royauté et à l’anarchie, attachement et fidélité à la République et à la Constitution de l’An III »[2]. La musique et les chants sont très présents pendant la cérémonie où l’on fait jouer la Marseillaise et le Chant du départ entre autres ritournelles antiroyalistes.
Cette cérémonie a pour but de garantir aux partisans de la Révolution française, et surtout au pouvoir politique, la fidélité des fonctionnaires dans un pays profondément déchiré et instable politiquement.
Sous le règne des frères de Louis XVI
Après l’arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte et la fondation de l’Empire, le culte civique révolutionnaire est aboli. Le calendrier est rétabli et de nouveau le culte catholique est célébré. Il n’est plus question de la Fête de la Juste Punition du Roi, sauf dans les milieux restés partisans de la Révolution.
Avec le retour au pouvoir des Bourbons en 1815, le 21 janvier change de sens. En 1818, le Maire de Beaune est invité par le Sous-préfet à organiser « l’anniversaire du 21 janvier 1793 [qui] sera célébré dans tout le Royaume par un service expiatoire et que suivant l’usage établi et d’après les ordres du Roi, il ne sera prononcé aucun discours ni oraison funèbre ; on se bornera à lire en chaire le Testament où l’âme de Louis XVI s’est peinte sous des traits touchants & sublimes »[3]. De 1815 à 1830 se succèdent sur le trône de France les deux frères du roi guillotiné – Louis XVIII et Charles X – qui font de la date du 21 janvier une journée de deuil et d’expiation. Les célébrations à Beaune semblent se limiter à une messe donnée à Notre-Dame.

Louis-Philippe Ier, le fils du régicide
En 1830, Charles X, en essayant d’imposer des lois pour contrôler plus étroitement la presse, fait se soulever le peuple de Paris. Chassé du pouvoir, c’est un de ses cousins qui devient Roi des Français sous le nom de Louis-Philippe Ier. Le père de ce dernier, membre de la Convention Nationale (l’assemblée qui jugea le roi) avait voté la mort de Louis XVI. Aussi est-il contesté par une partie des royalistes français (que l’on nomme les Légitimistes). Louis-Philippe Ier a cherché pendant une partie de son règne à concilier l’héritage de la Révolution et celui de l’Ancien Régime. C’est la teneur de la lettre du Préfet Pautet du 14 janvier 1831 qui démontre bien cet esprit d’apaisement et de synthèse : « J’ai l’honneur de vous informer que l’intention du gouvernement, tout en accordant aux consciences la plus entière liberté, est d’écarter toute manifestation de souvenir qui tendrait à exciter les passions. En conséquence […] il a été décidé que la cérémonie du 21 janvier n’aurait plus lieu à l’avenir. […]. Veillez à ce que rien ne vienne troubler les pensées d’union et d’oubli qui sont le besoin de tous les Français »[4].
Sauf dans certains milieux royalistes et républicains, qui parfois en perpétuent encore le souvenir aujourd’hui, la journée du 21 janvier est sortie des références politiques de la majorité des Français et des Françaises à l’aube de la Révolution de 1848 et plus particulièrement aujourd’hui.
[1] Compte rendu de la fête civique du 1er Pluviose an 4e, 1 I 129, Archives municipales de Beaune.
[2] Compte rendu de la fête civique du 2 Pluviose an 7, 1 I 129, Archives municipales de Beaune.
[3] Lettre invitant le maire de Beaune à prendre les mesures nécessaires pour la célébration de l’anniversaire de la mort du Roi Louis XVI, 16 janvier 1818, 1 I 132, Archives municipales de Beaune.
[4] Suppression de la cérémonie du 21 janvier, lettre du préfet Pautet, 1831, 1 I 133, Archives municipales de Beaune.
Tiré de l’article paru dans l’Echo des Coms n°283 du 24 janvier 2023 – Archives de Beaune / Mathias Compagnon
Voir aussi un article précédent écrit sur le sujet : Fête de la juste punition du dernier roi des français