Articles·Bâtiments publics·Hôpitaux – Assistance aux personnes·Santé publique

La Maladière de Beaune

A l’ombre du Grand Hostel Dieu de nombreux autres établissements hospitaliers ont existé à Beaune. L’un des plus importants fut la Maladière, institution en charge d’une des maladies les plus redoutés des temps anciens : la lèpre.

La lèpre : une maladie symbolique

La lèpre est une maladie infectieuse qui touche principalement les êtres humains. Longtemps restée incurable, elle est très mutilante pour ceux qui en souffrent même si elle reste finalement peu contagieuse. Elle déforme et nécrose les tissus du visage, des membres et plus généralement de la peau : elle entraine de lourdes infirmités sur les sujets atteints.

Présente anciennement dans les populations humaines, c’est une maladie chargée d’une forte symbolique : maladie de l’impureté elle est bien souvent la marque d’une malédiction. Présente dans certains textes sacrés, comme dans la Bible, elle donne lieu, après examen du patient, à une mise à l’écart des lépreux. Les ladres (autre nom du lépreux) sont considérés comme impurs, non pas d’un point de vue sanitaire, mais religieux : ils doivent donc être mis à l’écart de peur que leur malédiction ne soit contagieuse. Ils constituent quasiment une catégorie sociale d’exclus au Moyen-Age.

Ils sont parfois la cible de violences et de massacres aux côtés des populations juives et des étrangers dans les périodes de troubles, notamment les grandes épidémies. La lèpre, qui disparait doucement d’Europe dès la fin du Moyen-Age, est une maladie qui touche principalement les plus démunis. Elle existe encore dans les pays les plus pauvres mais continue à régresser depuis le milieu du XXe siècle. 

La Maison des ladres

Les lépreux vivent selon des lois et règlements qui leur interdisent de travailler ou encore d’entrer dans les villes et les bourgs, même s’ils sont autorisés à quêter pour certaines fêtes religieuses[1]. Ils doivent alors s’annoncer au son de grelots ou de crécelles. Ils résident habituellement dans des maladreries, maladières, léproseries ou lazarets : un ensemble d’habitations tenues à l’écart des agglomérations. Si la plupart du temps les bâtiments et leur entretien sont à la charge du seigneur local ou des communes, les lépreux vivent de la charité publique. Beaune possède sa Maladière : elle se trouvait sur la route de Dijon et a laissé son nom à un lieudit Les Maladières. Le Chemin de la Maladière existe toujours en partie, le reste et devenu le début de l’Avenue de la Sablière.

La Maladière existe depuis le XIe ou XIIe siècle. Sa première mention dans les Archives communales remonte à novembre 1251 avec le don de deux vignes à la léproserie de Beaune par les époux Laurent[2].

L’établissement est sous la garde d’un Maitre ou Recteur qui administre les nombreux biens de la léproserie pour le bénéfice des malades. Une confrérie, c’est-à-dire une association de laïcs pieux le plus souvent, est en charge des processions religieuses qui se font depuis Notre-Dame jusqu’à la Maladière[3].

On a rarement d’informations sur ceux qui ont vécu à la léproserie de Beaune. L’on sait qu’un sieur Picard, lépreux, vit à La Maladière et bénéficie de fonds pour sa pension et son habillement. On ne peut pas dire si le site est souvent occupé, mais il n’est pas rare que les Ducs de Bourgogne puis les Rois de France ou le Parlement de Dijon réclament que des travaux soient faits car les bâtiments menacent ruine.

Extrait du plan cadastral de Beaune, lieudit Les Maladières, 1826, AMB.

Le bien des Lépreux disputé

La Maladière de Beaune possède de nombreuses terres et propriétés. En effet, outre les donations en terres et en argent que la léproserie reçoit, la Maladière est seigneur du Buisson à Ladoix-Serrigny. C’est-à-dire que son Recteur a les droits de haute-justice (justice des crimes et des délits) et le pouvoir de percevoir toutes les taxes et droits. Ces richesses ont suscité bien des convoitises. Le Chapitre de Notre-Dame et la Ville de Beaune sont régulièrement en procès pour savoir à qui revient l’administration de la léproserie. On ne voit pas dans les documents comment le Recteur entre en fonction : achat de sa charge, héritage, nomination ? S’il semble que le Maitre soit souvent un chanoine jusqu’au XVIe siècle, vers 1609 la Ville obtient la charge[4]. Les biens de la Maladière sont réunis à l’Hôtel-Dieu de Beaune à la fin du XVIIe siècle, comme bon nombre d’autres établissements de charité.

Terrier (inventaire des terres) de la Maladière présentant « Sensuivent les héritages de la maladiere de beaune, et la revenue dicelle maladiere laquelle appartient de maistre Emille de Saulx [conseillé]du Roy [notreseigneur], et doien de [notre] dame de Beaune », Carton 49 n°1, 1411, AMB.

Tiré de l’article paru dans l’Echo des Coms n°300 du 24 octobre 2023 – Archives de Beaune, Mathias Compagnon


[1] Lettre de la mairie de Dijon qui déclare que les Lépreux de la ville de Dijon ne peuvent quêter dans la ville qu’aux quatre fêtes solennelles de l’année, en payant toutefois un petit blanc alu recteur de la Maladière, 27 février 1499, carton 48 n°59, AMB.

[2] Donation à la Lèproserie de Beaune, par les époux Laurent de Beaune de deux vignes l’une située en Champagne et l’autre en Baumont, finage dudit Beaune, parchemin, carton 48 n° 23, novembre 1251, AMB.

[3] Règle des Maîtres, recteur et frères de la Maladière, collationnée par l’Official de Tournus en 1432, parchemin, 1421, carton 48 n°42, AMB.

[4] Arrêts du Parlement de Dijon par lequel, la cour considérant le désir et la volonté de S.M. de laisser jouir la mairie de Beaune, de la haute justice, sur la terre de Buisson, en qualité d’administrateur de la Maladière (…), 6 février 1609, carton 48 n°73, AMB.

Laisser un commentaire